Pyramide de Dale, styles d’apprentissage et mythe des huit secondes: que dit vraiment la recherche ?

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Dans l’éducation, les RH et la formation en entreprise, plusieurs idées frappantes continuent de circuler, souvent présentées comme des vérités établées. On cite notamment la pyramide de Dale, la théorie des styles d’apprentissage et l’affirmation selon laquelle une personne ne peut se concentrer que huit secondes. Malgré les critiques et les recherches, ces notions tiennent bon. Revenir aux sources et observer la façon dont la culture de masse diffuse le savoir aide à comprendre pourquoi.

La pyramide de Dale : que sont devenus les pourcentages de rétention

Dans la version populaire de la pyramide, on affirme que les individus retiennent des pourcentages fixes d’information selon le format d’apprentissage : très peu à partir de la lecture et des cours magistraux, davantage grâce à la discussion, à la pratique et à l’enseignement aux autres. Ce schéma est souvent attribué à Edgar Dale ou au NTL Institute.

Lorsque des chercheurs ont tenté de retrouver l’étude d’origine derrière ces pourcentages, aucune donnée n’a émergé. Le NTL Institute n’a pas pu fournir de méthodologie ni de mesures, et Dale n’a jamais parlé de pourcentages précis. Il a proposé un Cône de l’expérience, un modèle descriptif de notre relation à l’information, et non un tableau chiffré.

Malgré tout, le tableau des pourcentages se propage sans effort. On le voit dans des présentations, des manuels, des formations internes. Son attrait saute aux yeux : simplicité visuelle, hiérarchie nette et message qui conforte une conviction répandue selon laquelle l’apprentissage actif l’emporte sur les formats passifs. À force d’être si bien présenté, on le remet rarement en cause.

Styles d’apprentissage : pourquoi l’idée paraît crédible

La théorie des styles d’apprentissage soutient que chacun disposerait de canaux de perception stables — visuel, auditif, kinesthésique, etc. — et qu’adapter l’enseignement au style de chaque personne améliorerait les résultats.

Les revues systématiques n’y trouvent aucun appui probant. Pour éprouver correctement l’hypothèse, il faut un protocole rigoureux, avec répartition aléatoire entre méthodes et test explicite de l’interaction entre style et méthode. La plupart des articles qui paraissent l’entériner n’atteignent pas ce seuil. À cela s’ajoute que les questionnaires de style eux‑mêmes se révèlent souvent peu fiables.

Et pourtant, l’idée persiste. Son charme psychologique joue à plein : elle promet un parcours taillé sur mesure pour chacun. Beaucoup confondent d’ailleurs leurs préférences — l’attirance pour les schémas, le texte ou les tâches pratiques — avec des méthodes qui feraient réellement progresser. La théorie circule largement dans des cours, des formations et des ouvrages grand public, où les détails méthodologiques stricts apparaissent rarement, ce qui la fait passer pour un savoir établi.

Huit secondes d’attention : d’où vient ce chiffre

L’affirmation selon laquelle une personne moyenne ne soutient son attention que huit secondes est souvent accompagnée d’une comparaison avec le poisson rouge, à qui l’on prête neuf secondes. Cette petite phrase s’est répandue via des supports renvoyant à un rapport de Microsoft sur l’impact de l’environnement numérique.

Les tentatives pour trouver des données scientifiques à l’appui de ce chiffre sont restées vaines. Les rapports s’appuyaient sur des sources marketing sans méthodologie transparente. Les spécialistes de l’attention rappellent que la concentration dépend de la tâche, de la motivation et du contexte, et ne se résume pas à une constante. Et rien ne prouve non plus les neuf secondes chez le poisson.

Malgré ces bases fragiles, le mythe s’est installé partout. Pratique pour les articles et les présentations, la comparaison entre humains et poisson rouge frappe l’esprit et s’incruste. Elle exploite aussi des inquiétudes très répandues autour du numérique, ce qui nourrit sa longévité.

Pourquoi ces mythes s’imposent-ils si facilement

Ces trois idées partagent des traits qui éclairent leur endurance.

Simplicité et clarté. Graphiques, chiffres et formules percutantes se retiennent aisément et se diffusent vite.

Recouvrement partiel avec le réel. Les méthodes actives peuvent donner d’excellents résultats. Les gens ont des préférences. L’environnement numérique influe sur l’attention. Les mythes s’agrippent à des phénomènes bien réels mais les réduisent à l’excès.

Preuve sociale. Dès qu’une idée figure dans les manuels, les diaporamas et les formations, elle finit par sembler constituer une norme professionnelle.

Intérêt commercial. Beaucoup de produits de formation s’appuient sur des concepts séduisants qui ne sont pas toujours exacts.

Un fossé entre la recherche et la pratique. Les enseignants et les professionnels de la formation consultent rarement les sources primaires et s’en remettent à des récits popularisés.

À retenir

Les mythes éducatifs survivent non parce que l’on refuse sciemment les faits, mais parce que les modèles simples rendent la vie facile, tandis que les explications qui exigent réellement des preuves paraissent souvent plus complexes. C’est ainsi que les mêmes idées voyagent de livre en livre et de diapositive en diapositive.

Adopter une position réfléchie face à ces schémas ne revient pas à renoncer à l’apprentissage actif ni à l’attention portée à chaque apprenant. L’enjeu est de distinguer la recherche avérée des affirmations séduisantes mais non étayées. C’est ce qui permet de bâtir des pratiques d’enseignement fondées sur des preuves plutôt que sur des idées en vogue.