14:30 25-11-2025

Mourmansk: la ville souterraine, de légende à réalité

Enquête sur une ville souterraine à Mourmansk: abris antiaériens de 1947, puits, portes hermétiques et systèmes de ventilation. De la légende à la découverte.

Une légende pas si impossible, au fond.

Au début des années 2000, une brève de la presse locale à sensation évoquait un vaste complexe souterrain. L’auteur l’avait baptisé une supposée Ville de conte de fées et affirmait qu’elle se cachait sous le tissu urbain. À l’époque, cela sonnait comme une histoire à faire peur. Chaque ville a ses mythes. Pourtant, les années ont passé et la rumeur qui faisait sourire a fini par mener à des trouvailles bien concrètes.

Quand les légendes s’alignent

En 2011, quelques récits urbains épars ont commencé à coïncider. Différentes sources pointaient vers le même quartier. Après avoir recoupé les indices et envisagé quels aménagements souterrains avaient pu être construits au XXe siècle, les chercheurs ont resserré la recherche sur plusieurs emplacements.

Dans l’un d’eux, ils ont mis au jour un boyau incliné plongeant à près de vingt mètres. La descente se terminait dans l’eau. Ce fut le point de départ d’une longue série de découvertes.

Il est ensuite apparu qu’au tout début de la guerre, les états-majors de la défense antiaérienne des grandes villes avaient fixé en urgence la construction d’abris pour la population et de postes de commandement protégés pour maintenir les services urbains. L’un de ces sites fut lancé dans l’Arctique, à Mourmansk.

Nouvelles entrées et premières conclusions

Au fil des années suivantes, le même secteur a livré d’autres descentes, des puits de ventilation et des issues de secours. La distance entre les points extrêmes atteignait environ un demi-kilomètre. Le niveau de l’eau changeait d’une année sur l’autre. Par grands froids, ils avançaient dans une eau glacée; l’été, ils passaient sur un matelas pneumatique. Une fois, ils ont rebroussé chemin lorsqu’une bulle de méthane est remontée depuis le sol.

Au total, huit entrées principales et une douzaine de puits ont été identifiés. Tout n’a pas pu être exploré, mais assez pour prendre la mesure de l’ensemble.

Ce qui se cache sous la roche

Les volumes souterrains se situent en moyenne à environ 25 mètres de profondeur, et par endroits à 27. Les détails de construction conservés indiquent une mise en service en 1947. Le creusement s’est fait par fonçage vertical: des puits ont été descendus et des galeries horizontales percées depuis ces puits. Au-dessus de chacun se dressait un bloc en béton armé avec systèmes de ventilation et locaux techniques.

Les plafonds ont été renforcés par des poutres en I, entre lesquelles étaient posées des tôles d’acier. L’épaisseur de la dalle atteignait quatre mètres. Par-dessus, des matelas de protection puis une couche de terre — un schéma typique pour des abris conçus pour encaisser souffle et éclats. On devine une ingénierie méthodique, fidèle aux standards de l’époque.

Point de départ : un hangar discret dans une cour

La première adresse qui a transformé les recherches en véritable enquête était une petite construction blottie au fond d’une cour d’immeuble. Elle ressemblait à un banal poste de transformation, mais dissimulait une descente inclinée. À l’intérieur, un petit cyclone de ventilation. L’escalier s’enfonçait; à mi-parcours, une petite porte donnait sur la volée suivante.

La descente débouchait sur une galerie d’accès — un couloir qui acheminait autrefois l’air entrant. Au bout de la galerie, un puits de ventilation équipé de quatre soupapes de surpression des années 1940. Sous l’effet d’une onde de choc, elles se fermaient automatiquement. Un détail qui en dit long sur le niveau d’exigence recherché.

Une issue de secours camouflée

Le puits faisait aussi office de sortie de secours. Il était recouvert de dalles de béton, le dessus maquillé en simple surface de cour. À proximité se trouvait l’entrée du bloc de ventilation au-dessus du puits. La porte hermétique d’origine des années 1940 n’a survécu qu’en partie: remplacée plus tard par un modèle plus récent, elle a été retirée dans les années 1990.

Filtration et surpression

Derrière l’embrasure se trouvait un petit sas avec deux passages. La plupart des portes avaient alors disparu, ne laissant que les cadres. Le passage de gauche menait à quatre filtres à poussières PFP-1000. L’équipement principal de ventilation se trouvait plus bas, dans les blocs inférieurs.

Au-delà des filtres, un conduit envoyait l’air vers le bas le long du puits. À côté, une salle avec des supports pour bouteilles d’air comprimé — il y en avait jadis une quinzaine. Elles maintenaient la surpression intérieure. Ce choix technique trahit une volonté d’autonomie en cas de crise.

Traces d’anciens systèmes et signes du passé

Ailleurs dans le bloc, une petite soupape de surpression subsistait dans le mur. Plus loin, un autre sas. Au-dessus d’une ouverture, on devinait encore le contour pâli d’un emblème marteau-et-faucille. Au-delà, une pièce avait accueilli une douzaine de bouteilles d’air. Par endroits, l’ancienne chaux s’écaille — le béton semble se déliter par plaques. Les lieux gardent la patine des années 1940, jusque dans ces marques ténues.

Descente dans le puits le plus profond

Le couloir principal mène à un puits de 27 mètres. Du plafond raidi par des poutrelles pendait un petit réservoir d’eau. Douze volées d’escaliers descendaient. À un niveau se trouvait l’entrée de la station de pompage du troisième relèvement. Là, une porte hermétique des années 1940 est restée en place — la seule survivante des trois d’origine. Au-delà, une galerie conduisait à une autre porte hermétique préservée et à un vase d’expansion.

La lisière de l’exploration

Plus bas, quelques volées plus tard, apparaissait la niche de la station de pompage du deuxième relèvement — l’équipement a disparu depuis longtemps. Plus profond encore, les escaliers aboutissent à l’eau. Au fil des ans, le niveau est monté et descendu des dizaines de fois. Parfois, on pouvait descendre neuf volées; d’autres fois, dix ou onze. À ce seuil, la prudence s’impose — et l’ampleur du site se mesure d’autant mieux.